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Autour du pilote - Au coeur du pilote

À quelques minutes du début d’un Grand Prix, la grille de départ est une ruche bourdonnante et excitante. Certains travaillent, d’autres butinent. Les mécaniciens attendent le tout dernier moment pour retirer les couvertures chauffantes des pneus. Tandis qu’une foule d’officiels, de VIP et de bimbos époumonées s’agglutinent autour des voitures de tête, espérant croiser le regard d’un pilote. C’est dans cette ambiance, stressante et glamour, que le docteur Riccardo Ceccarelli a coutume d’intervenir. Un casque sur les oreilles, un talkie-walkie à la ceinture, il porte sous chaque bras une glacière chargée de boissons énergétiques. Cet Italien de 47 ans arbore les couleurs de l’écurie japonaise Toyota. Il en est le médecin officiel, en charge de la santé des mécaniciens comme de celles des pilotes, Jarno Trulli et Ralf Schumacher. C’est pour visiter ses deux patients de luxe que le Dr Ceccarelli tente de se frayer un passage sur la grille de départ pas facile. Il doit dire bonjour à tout le monde. Un clin d’œil, un sourire, une tape sur l’épaule, toute la F1, ou presque, le connaît. Le personnage paraît si facile d’accès que, pour un peu, on aurait presque envie de porter les glacières à sa place. En réalité, cela fait bientôt vingt ans qu’il règne sans partage sur la médecine appliquée à la F1. À la tête de l’entreprise Formula Medicine, basée en Italie, lui et quelques collaborateurs triés sur le volet supervisent toute l’année la préparation physique, mentale et psychologique des pilotes des écuries Toyota, Super Aguri et Renault F1. Il vient aussi de décrocher, en début de saison, un contrat avec le Brésilien Felipe Massa, pilote Ferrari. Présent dans le milieu de la F1 depuis la fin des années 80, Riccardo Ceccarelli s’est fait un nom en disposant des capteurs sur les corps des pilotes. Objectif : évaluer et optimiser les performances physiques de ces athlètes de l’asphalte. «99,99 % du budget des écuries passe dans la masse salariale, la recherche et les essais en soufflerie, expose-t-il. Le reste, c’est à-dire des miettes, est consacré à la préparation des pilotes. Comme ils sont au sommet de la pyramide du sport automobile, on part du principe que ces champions sont en tous points exceptionnels, sur le plan du pilotage pur, de la résistance physique comme de la gestion du stress. C’est vrai, ils sont littéralement exceptionnels, mais je persiste à penser qu’il existe toujours une marge de progression. »

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TOUT PART DU CERVEAU
 

On pourrait lui reprocher de prêcher pour sa paroisse. « Ma mission consiste à pousser le pilote vers le haut, pour qu’il exploite ses capacités à 100 %. En ce moment, je mène des recherches sur l’activité du cerveau des pilotes, poursuit-t-il. Il s’agit d’identifier pourquoi la concentration, la lucidité et la rapidité d’exécution évoluent au cours d’un Grand Prix et connaissent parfois des chutes brutales. Dans les conditions de stress extrêmes, ça peut déboucher sur une sortie de piste, une manœuvre de dépassement ratée, etc. En fait, le cerveau est un “muscle”. En F1, c’est même le muscle le plus important et le plus sollicité. Tout part du cerveau. C’est le poste de commandement. C’est lui qui dicte le comportement physique. » De battre, le cœur des pilotes parfois s’emballe. Quel rapport avec le cerveau ? « C’est le système nerveux autonome, dont certaines parties sont localisées dans le cerveau, qui contrôle l’activité cardiaque, confirme le docteur Jean Gauthier, médecin officiel du circuit du Castellet, dans le Var. En fonction des messages captés par le cerveau, des hormones comme l’adrénaline, la plus connue, sont libérées et accélère le rythme du cœur. C’est de cette manière que les fréquences cardiaques des pilotes atteignent des sommets et peuvent être soumises, au cours d’un Grand Prix, à des variations très significatives, alors que l’activité musculaire est constante» Pour en avoir le cœur net, Sport s’est procuré un document de synthèse qui retrace l’évolution de la fréquence cardiaque d’un pilote de F 1 qui reste anonyme (secret médical oblige). Cette étude a été réalisée lors du Grand Prix de Monaco, il y a deux semaines, par l’équipe du Dr Ceccarelli. L’enregistrement débute environ trois quarts d’heure avant le départ de la course, à 14 h, et s’arrête vers 16 h 45, environ une heure après l’arrivée. Que révèle-t-il ? « Sur un Grand Prix, la fréquence cardiaque moyenne du pilote est de 163 pulsations par minute, avec un pic à 187, analyse le médecin, alors qu’il tente avec succès un dépassement. Il est tout entier tendu vers cet objectif et son activité cérébrale est au maximum. Une fois qu’il a réussi son dépassement, le stress retombe, d’une manière très relative bien sûr, et le cœur ralentit. Mais alors que sa fréquence cardiaque connaît un minimum autour de 150 pulsations, notre pilote se retrouve une nouvelle fois roues dans roues avec un concurrent. Cette fois, son dépassement échoue et quelques minutes plus tard, il reçoit la consigne de s’arrêter aux stands. Un arrêt aux stands est toujours un événement important dans une course. Si ça se passe mal, la course est ruinée. Cette information et l’obligation de résultat qui en découle suscitent immédiatement une montée de stress. Avant de procéder au ravitaillement, sa voiture est légère donc il se doit de réaliser des super-chronos. Il va alors mobiliser toutes ses capacités cérébrales. » Après son premier (et unique) ravitaillement, ce pilote, repoussé dans la seconde partie du classement, n’a plus grand-chose à espérer. « Dans le dernier tiers de la course, il ne se retrouve engagé dans aucune manœuvre de dépassement explique le Dr Ceccarelli, et son activité cardiaque s’en ressent. » Au bout du compte, l’électrocardiogramme aura enregistré environ 16 500 battements de cœur en un peu plus de cent minutes, à raison d’une moyenne de 163 pulsations par minute. À titre de comparaison, les footballeurs affichent, à l’issue d’un match de 90 minutes, des moyennes entre 140 et 150 pulsations, alors qu’ils parcourent plus de 10 kilomètres, multiplient les sauts, les tacles, les sprints. Comment justifier cet écart qui contredit l’intuition ? L’activité cérébrale des pilotes serait-t-elle intense au point de compenser une activité musculaire réduite à sa plus simple expression ? En réalité, un Grand Prix est une épreuve de force physique, une lutte entre l’homme et sa machine, une longue souffrance dont les pilotes gardent le secret. « Rarement vous entendrez un champion de sport automobile dire qu’il a eu mal pendant une course, observe le Dr Gauthier. Pourtant, tous finissent les Grands Prix avec des courbatures terribles dans les avant-bras et les mains. » Au rayon des instruments de torture, a-t-on déjà entendu parler du harnais de sécurité ? Tellement tendu qu’il en devient insupportable, il enserre les pilotes justes au-dessus du pubis et contrarie fortement la circulation sanguine. Comme si cela ne suffisait pas, les sangles achèvent de déchirer le dos sous l’effet de l’accélération dans les virages. À l’issue du dernier Grand Prix de Monaco, le pilote McLaren Lewis Hamilton découvrit ainsi, mi-amusé, mi-horrifié, en ôtant sa combinaison et ses sous-vêtements, que son dos était lacéré jusqu’au sang.

 

EN APNEE UN TIERS DU TEMPS

 

Mais les fameux « g » qui plaquent les pilotes contre les parois de leur baquet ont encore d’autres effets. « Lorsque l’accélération est trop forte, il arrive fréquemment que je sois en apnée pendant quelques secondes, raconte le Français Franck Montagny, pilote essayeur chez Toyota. Parfois, c’est volontaire, je cherche alors le plus de précision possible. Parfois, c’est complètement involontaire. » « Lorsqu’on met tout bout à bout, un pilote passe entre un quart et un tiers de son Grand Prix en apnée », estime le Dr Gauthier. Réagissant à ce défaut d’oxygénation, le cœur s’emballe. « Idem lors des gros freinages et des fortes accélérations, ajoute Riccardo Ceccarelli. On ne passe pas impunément de 300 à 60 km/h. Le débit sanguin cérébral diminue, le cerveau est alors mal oxygéné et, une nouvelle fois, le cœur doit compenser. » On aura donc une pensée pour ces pilotes d’élite lorsque, ce week-end, sur le circuit Gilles- Villeneuve de Montréal, ils emprunteront l’un des virages les plus célèbres et les plus redoutés du championnat, le dernier avant la ligne droite des stands. Sur une distance de freinage à peine supérieure à 100m, les bolides passeront de 325 à 115 km/h. Avant d’accélérer à nouveau pour atteindre les 140 km/h… en risquant de frôler le mur. Là encore, il faudra du cœur, un gros cœur

 


Date de création : 10/05/2013 - 09:26
Dernière modification : 22/06/2013 - 11:52
Catégorie : Autour du pilote
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